di ROBERTO NIGRO.
Dans les quelques propos qui suivent j’aimerais esquisser des pistes de recherche. Au lieu de présenter un résumé “possible ou impossible” du rapport que Foucault entretint avec l’œuvre de Marx, je voudrais suggérer quelques schémas qui puissent servir de pointillés pour une recherche à venir. Mon hypothèse est simple. Elle consiste à penser que l’œuvre de Foucault est traversée d’un bout à l’autre d’une confrontation avec Marx. Cependant je suggère de distinguer deux plans : celui de la confrontation réelle de Foucault avec Marx et celui de la confrontation possible. Ces deux plans ne s’opposent pas l’un à l’autre comme la nuit au jour, et ils ne doivent pas non plus faire songer à une opposition entre un côté vrai et un côté qu’on souhaite vrai. Je cherche dans le premier plan un fondement pour le développement du deuxième, même si l’enjeu du problème se situe plutôt, à mon sens, du côté de la confrontation possible. Je crois qu’en posant à Marx des questions qui viennent de Foucault et à Foucault des problèmes qui surgissent de l’œuvre de Marx, on peut découvrir de nouveaux aspects des œuvres en question et trouver par la même occasion de nouveaux parcours pour notre réflexion d’aujourd’hui.
En guise d’introduction je voudrais préciser certains points. Il serait vain d’imaginer que l’œuvre de Foucault est traversée d’un bout à l’autre d’une confrontation “systématique” avec Marx. Cela ne signifie pas qu’il soit impossible de projeter un travail qui vise à reconstruire pas à pas cette Auseinandersetzung entre Foucault et Marx (le mot allemand – me semble-t-il exprime mieux l’enjeu du problème car il garde le double sens de la confrontation et du combat). Mais il faut également savoir que les chemins qui mènent Foucault à Marx ressemblent plus à des labyrinthes qu’à des lignes droites.
Je résumerais en trois points les problèmes que, à mon sens, cette confrontation pose : premièrement, il s’agirait de se demander de quel poids l’œuvre de Marx pèse dans celle de Foucault. Deuxièmement il faudrait se demander qui est le Marx que Foucault reprend dans ses analyses, qu’est-ce que Foucault met à l’écart de son œuvre et pourquoi il privilégie une piste plutôt qu’une autre. Troisièmement, bien que l’œuvre de Foucault ne permette pas facilement de distinguer le combat entre son auteur et Marx de son combat avec le marxisme, il vaudrait mieux différencier ces deux éléments. Je crois, en effet, que si Foucault reconnaît un noyau du marxisme, un enjeu de ce discours, dans lequel serait aussi impliqué le discours de Marx, il a néanmoins essayé, dans certains lieux de son œuvre, de situer Marx à l’écart du marxisme.
Tout au long de son parcours philosophique aussi bien que biographique, le combat de Foucault avec Marx et le marxisme est double. Il refuse le marxisme comme savoir inscrit dans la rationalité du monde occidental et essaie de montrer que ce savoir, construit un système de pouvoir qu’il ne peut que refuser. Tout marxisme voué au système de pouvoir est refusé par Foucault. D’où aussi son malaise et sa méfiance à l’égard de tout discours marxiste dominant son époque, qui devait lui apparaître comme un renversement de signe du même mécanisme de pouvoir. Il me semble que les mots qui accompagnent sa réponse à la question “que mettre à la place du sytème?” illustrent bien le sens de ce discours : “Je pense qu’imaginer un autre système, cela fait actuellement encore partie du système”[1]. Si l’on reconnaît dans son œuvre la tentative de ne pas clore la pensée dans un système fermé, de lui opposer une sorte de dépassement infini qui lui évite le piège de l’identité, on peut comprendre pourquoi, à partir d’un certain moment, il devait se méfier “comme de la peste” de tout marxisme tournant en système. Pour Foucault, il s’agissait d’utiliser Marx comme une boîte à outils et non de rechercher le sens perdu ou de révéler le véritable sens de la parole de Marx[2]. Interroger Marx voulait dire, pour lui comme pour nous, interroger la “chose” de sa pensée et assumer tous les risques qu’une telle entreprise comporte, y compris l’échec. Car on ne lit pas Marx pour le mythologiser ou pour le faire résister à l’épreuve du temps. Foucault travaille à détotaliser l’image de Marx, ce qui peut dire qu’il veut se servir de Marx pour certaines recherches, sans que son discours y adhère complètement.
En lisant l’œuvre de Foucault, on s’aperçoit à quel point Marx fut pour lui un personnage conceptuel à plusieurs masques. Il se présente tantôt comme l’ami, tantôt comme l’adversaire, et souvent il est les deux à la fois. C’est pourquoi Foucault, s’il s’approche de Marx, s’en éloigne aussi souvent, lui attribue des masques, pense avec lui sans le citer, le cite pour le critiquer ou pour critiquer ceux qui semblent être ses disciples, mais qui apparaissent à ses yeux comme ses “gnômes affreux”. D’autant plus qu’il devait être sans doute gêné par toutes les références que son époque consacrait à Marx. Sa pudeur et sa méfiance face aux choses archiconnues devaient l’écarter d’une confrontation directe avec Marx.
Mon but n’est pas de développer la confrontation possible entre les œuvres de ces deux auteurs pour faire leur dire ce qu’ils n’ont pas dit. Je voudrais interroger leurs non-dits, me placer entre leurs dits et non-dits afin qu’ils nous poussent à dire ce qu’ils ne pouvaient pas dire. Les pages qui suivent n’ont pas la prétention d’épuiser l’analyse des quelques remarques qui précèdent. Elles se veulent plutôt des pistes pour une recherche à venir. J’esquisse dans ce texte une série d’étapes, qui vont du dépassement de l’humanisme et de la mise à l’écart de l’hégélianisme jusqu’à la confrontation avec le Marx auquel Foucault renvoie, à savoir un théoricien de l’articulation des pratiques. Pour finir, j’esquisserai les nouveaux soucis théoriques concernant le marxisme qui traversent l’œuvre de Foucault à partir de la deuxième moitié des années soixante-dix.
I. Nietzsche, Heidegger et Althusser : le dépassement de l’humanisme
Pour situer les débuts théoriques foucauldiens, il faut sans doute revenir en premier lieu sur Nietzsche et Heidegger et, par la suite, considérer le rôle joué par la pensée d’Althusser. Les raisons sont multiples. Je me limite ici à reprendre quelques propos de l’œuvre de ces auteurs tout simplement pour définir les limbes où baigne la réflexion de Foucault.
Si Nietzsche a souligné le caractère absolument historique de l’être humain[3], Heidegger, en reprenant ces réflexions, a essayé de poser le problème ontologique de l’histoire[4]. Pour lui, la compréhension de l’essence de l’historialité ne met pas terme à une anthropologie, mais à une ontologie. Ainsi, Heidegger abandonne une analyse de l’homme en tant qu’homme pour accéder à une réflexion ontologique concernant le mode d’être de l’existence en tant que Da-sein. Par la suite, après la Kehre, Heidegger abandonne aussi cette démarche : il met délibérément à l’écart toute référence au rôle du Dasein pour l’interprétation de l’être[5]. La compréhension de l’homme, pour lui, se rallie à celle de l’Être. C’est pourquoi, dit-il, nous sommes sur un plan où il y a principalement l’être[6]. Cette pensée, dépassant ainsi tout humanisme, abandonne également toute catégorie liée à la subjectivité et à l’objectivité, car il ne se pose pas de savoir qui est l’homme, mais comment il demeure dans cette ouverture d’être que Heidegger appelle son ek-sistence[7].
Par des voies différentes, Althusser contribue lui-aussi au dépassement de l’humanisme. En reprenant le problème de l‘antihumanisme théorique de Marx, il écrit: “ On ne peutconnaître quelque chose des hommes qu’à la condition absolue de réduire en cendres le mythe philosophique (théorique) de l’homme. Toute pensée qui se réclamerait alors de Marx pour restaurer d’une manière ou d’une autre une anthropologie ou un humanisme théoriques ne serait théoriquement que cendres ”[8]. Althusser met en évidence que, en rejetant l‘essence de l’homme comme fondement théorique, Marx chasse les catégories philosophiques de sujet, empirisme et essence idéale de tous les domaines où elles régnaient. Il souligne aussi le déplacement opéré par Marx, lorsqu’il remplace le vieux couple individus-essence humaine par de nouveaux concepts tels que forces de production, rapport de production, etc.
Il n’est pas difficile de retracer ces contenus à partir de l’œuvre de Marx. Dès les Grundrisse, Marx esquisse une analyse centrée de plus en plus sur les rapports de production et sur les forces productives. On devine une sorte de fascination chez lui lorsqu’il s’apprête à décrire la dépendance réciproque et multilatérale des individus, “par ailleurs indifférents les uns à l’égard des autres”, qui constitue leur connexion sociale. Marx montre que “ le caractère social de l’activité, comme la forme sociale du produit, comme la part que l’individu prend à la production, apparaissent ici, face aux individus, comme quelque chose d’étranger, comme une chose; non pas comme le comportement réciproque d’individus, mais comme leur soumission à des rapports existant indépendamment d’eux et nés de l’entrechoquement de ces individus indifférents ”[9]. Il s’intéresse de plus en plus au fonctionnemment du mécanisme social et à son pouvoir.
II. Echapper à l’hégélianisme : Foucault disciple de Nietzsche
On connait bien l’importance que Foucault attribue aux réflexions de ces auteurs. A une époque où il est en train de s’éloigner de l’hégélianisme et de toutes les formes qu’il peut revêtir, la lecture de Heidegger, de Nietzsche et d’Althusser, parmi beaucoup d’autres, fonctionne pour lui comme la seule voie d’accès à une culture de tout autre signe [10].
L’œuvre de Foucault nous permet, dès ses débuts, de penser les liens entre les problèmes posés par ces auteurs. Bien qu’elle ne reprenne pas exactement les mêmes soucis théoriques, elle se situe dans le même chantier[11]. Le premier ouvrage de Foucault porte la marque d’une réflexion sur la rationalité et s’inscrit dans un champ de complet renouvellement de perspectives concernant ces grands thèmes généraux[12]. Les livres de Foucault, notammentL’Histoire de la folie ou Les Mots et les choses, se placent “ au début de la période de grandes querelles qui ont marqué un complet renouvellement des manières de penser et d’écrire héritées de l’immédiat après-guerre, avec la remise en cause simultanée du réalisme narratif, des philosophies du sujet, des représentations continuistes, du progrès historique, de la rationalité dialectique, etc ”[13]. Différentes étapes, bien sûr, marquèrent à cette époque l’évolution de sa pensée. Élève d’Hyppolite, Foucault avait croisé les chemins qui mènent de Hegel à Marx; il s’était plongé dans les études psychologiques à tel point que dans les milieux universitaires l’étiquette de psychologue lui resta jusqu’en 1968. Le problème philosophique de l’anthropologie hantait sa réflexion en même temps que l’horizon de laDaseinsanalyse attirait son intérêt. Ainsi, lorsqu’il écrivit son premier ouvrage, il s’impliqua dans une révolution théorique qui l’amena à refuser toute philosophie basée sur un horizon concret de réflexion anthropologique sur l’homme. Pour ce faire il avait suivi la critique de Binswanger et avait reconnu que le projet de l’anthropologie doit pouvoir se situer par opposition à toutes les formes de positivisme psychologique qui épuisent le contenu significatif de l’homme dans le concept réducteur d’homo natura. La surface portante de l’anthropologie devait être replacée dans le contexte d’une réflexion ontologique qui prît pour thème majeur la présence à l’être, l’existence, le Dasein. “ L’être-homme (Menschsein) n’est, après tout, que le contenu effectif et concret de ce que l’ontologie analyse comme la structure transcendantale du Dasein, de la présence au monde ”[14]. Par ailleurs, Foucault reconnaît que Nietzsche incarne bien le point où toute interrogation sur l’homme s’achève car c’est dans la mort de l’homme que s’accomplit la mort de Dieu. Foucault écrit : “La trajectoire de la question Was ist der Mensch? dans le champ de la philosophie, s’achève dans la réponse qui la récuse et la désarme : der Übermensch ”[15]. Foucault se demande si l’homme, dans ses formes d’existence, n’était pas le seul moyen de parvenir à l’homme. Cette démarche entrave tout humanisme philosophique, toute philosophie reposant sur une problématique de la nature humaine.
Ces problèmes vont hanter sa première tentative d’enquête historique qui n’échappe pas encore à la fascination littéraire du sujet. L’Histoire de la folie est un ouvrage qu’on peut lire à différents niveaux. Nombreuses sont les questions qui la traversent. Foucault s’interroge sur le statut qui avait été donné aux fous dans les sociétés européennes entre le XVIème et le début du XIXème siècles. Il se demande comment dans une société, on avait commencé à percevoir ces personnages étranges qu’étaient les fous. L’Histoire de la folie traite un problème classique, si l’on veut, à savoir celui du débat éternel entre raison et déraison. Cet ouvrage complexe est traversé par un double mouvement : d’une part, Foucault réfléchit sur le lien entre raison et déraison, à partir d’expériences littéraires ou philosophiques; d’autre part, il remanie le concept d’homme pour penser le rapport historique de la raison et de la déraison. A l’époque de l’Histoire de la folie, Foucault supposait l’existence d’une espèce de folie vive, volubile et anxieuse que la mécanique du pouvoir et de la psychiatrie serait arrivée à réprimer et à réduire au silence. Ce texte, qui s’interroge sur le pouvoir d’exclusion, ne se situe pas loin du sens de l’expérience nietzschéenne de la tragédie. Car comme pour Nietzsche la lutte mortelle entre le dyonisiaque et l’apollinien finit avec la mort de la tragédie, le pouvoir de l’obscurité s’enfonçant dans la lumière du socratisme, ainsi pour Foucault ces puissances de minuit s’estompent devant la vérité du soleil. Et comme pour Nietzsche ces débuts ne furent qu’une étape au long du chemin qui l’amena à s’éloigner de toute notion de profondeur, pour Foucault ce commencement ne dura qu’un temps, car lui aussi allait appréhender que la folie, comme Blanchot l’a écrit, ne constitue aucune expérience fondamentale située “ en dehors de l’histoire et dont les poètes (les artistes) ont été et peuvent être encore les témoins, les victimes ou les héros ”[16].
Avec ces références, je m’efforce de montrer comment, par les biais de la critique nietzschéenne et heideggérienne, Foucault situe son interrogation loin de tout marxisme humaniste ainsi que de tout hégélianisme. L’effort de Foucault consiste à se détacher de toute vérité anthropologique de l’homme, de toute songerie d’un terme de l’histoire, qui est l’utopie des pensées causales. Pour lui, Nietzsche a brûlé les promesses mêlées de la dialectique et de l’anthropologie : “ Il a repris la fin des temps pour en faire la mort de Dieu et l’errance du dernier homme; il a repris la finitude anthropologique, mais pour faire jaillir le bond prodigieux du surhomme; il a repris la grande chaîne continue de l’Histoire, mais pour la courber dans l’infini du retour ”[17]. Son combat avec Marx se précise, en effet, comme le refus d’une voie parcourue par un certain marxisme après Marx : c’est le refus d’une culture dialectique dont le point de force se situe dans l’expérience de pensée de Nietzsche. Nietzsche a montré que la mort de Dieu signifie la disparition de l’homme puisque “l’homme et Dieu avaient d’étranges rapports de parents, qu’ils étaient à la fois frères jumeaux et père et fils l’un de l’autre, que Dieu étant mort, l’homme n’a pas pu ne pas disparaître, en même temps, laissant derrière lui le gnôme affreux ”[18]. Sur la voie de Nietzsche, Heideggger a également saisi la fin de la dialectique, tout en essayant de ressaisir le rapport fondamental à l’être dans un retour à l’origine grecque. Foucault cite également l’exemple de Russell, de Wittgenstein et de Lévi-Strauss, pour montrer comment une culture non dialectique est apparue dans des régions fort différentes. Il s’éloigne ainsi d’une interprétation de Marx où l’histoire semble jouer un rôle négatif : “ [elle] accentue les pressions du besoin, [qui] fait croître les carences, contraignant les hommes à travailler et à produire toujours davantage, sans recevoir plus que ce qui leur est indispensable pour vivre, et quelquefois un peu moins. […] Ainsi croît sans cesse le nombre de ceux que l’Histoire maintient aux limites de leurs conditions d’existence; et par là même ces conditions ne cessent de devenir plus précaires et d’approcher de ce qui rendra l’existence elle-même impossible. […] Selon la lecture marxiste, l’Histoire, en dépossédant l’homme de son travail, fait surgir en relief la forme positive de sa finitude – sa vérité matérielle enfin libérée ”[19].
La dialectique promet en quelque sorte à l’être humain qu’il deviendra un homme authentique et vrai. Elle promet l’homme à l’homme. Se libérer de cette culture signifie ne plus raisonner en terme de morale, de valeurs, de réconciliation. Cela veut dire se libérer de toute une série de postulats qui régissent ce discours : se débarrasser du sujet souverain et du concept de conscience[20]; de celui d’auteur et de l’idée d’une histoire continue. Des éléments tous liés les uns aux autres : “ L’histoire continue, c’est le corrélat indispensable à la fonction fondatrice du sujet : la garantie que ce qui lui a échappé pourra lui être rendu ; la certitude que le temps ne dispersera rien sans le restituer dans une unité recomposée ; la promesse que toutes ces choses maintenues au loin par la différence, le sujet pourra un jour – sous la forme de la conscience historique – se les approprier derechef, y restaurer sa maîtrise, et y trouver ce qu’on peut bien appeler sa demeure. Faire de l’analyse historique le discours du continu, et faire de la conscience humaine le sujet originaire de tout devenir et de toute pratique, ce sont les deux faces d’un même système de pensée. Le temps y est conçu en termes de totalisation, et la révolution n’y est jamais qu’une prise de conscience ”[21]. Foucault s’interroge ici sur la mutation épistémologique du concept d’histoire qui, dit-il, n’est pas encore achevée aujourd’hui. Il est aussi important de souligner qu’il fait remonter à Marx le moment où cette mutation épistémologique aurait commencé. Il souligne que le thème d’une histoire globale a joué un rôle constant depuis le XIXème siècle : il s’agissait de “ sauver contre tous les décentrements, la souveraineté du sujet, et les figures jumelles de l’anthropologie et de l’humanisme ”[22]. Le rôle joué par Marx dans ce combat est de toute autre nature car Marx a décentré l’histoire à travers ses analyses historiques des rapports de production, des déterminations économiques et de la lutte de classe. Il a bien fallu anthropologiser Marx et en faire un historien de totalité, retrouver en lui le propos de l’humanisme pour mettre un frein à ses décentrements, de la même façon qu’on est amené à interpréter Nietzsche dans les termes de la philosophie transcendantale et à rabattre sa généalogie sur le plan d’une recherche de l’originaire. “On avait entassé tous les trésors d’autrefois dans la vieille citadelle de cette histoire; on la croyait solide ; on l’avait sacralisée; on en avait fait le lieu dernier de la pensée anthropologique ; on avait cru pouvoir y capturer ceux-là mêmes qui s’étaient acharnés contre elle ; on avait cru en faire des gardiens vigilants. Mais cette vieille forteresse, les historiens l’ont désertée depuis longtemps et ils sont partis travailler ailleurs; on s’aperçoit même que Marx ou Nietzsche n’assurent pas la sauvegarde qu’on leur avait confiée ”[23].
III. Vers une généalogie des technologies de pouvoir
A partir des années 70, le travail théorique de Foucault se déplace. Il affirme qu’en raison de circonstances et d’événements particuliers, son intérêt théorique s’est déplacé. Il précise que ce déplacement l’a conduit à s’intéresser au problème des prisons : “ Cette nouvelle préoccupation s’est offerte à moi comme une véritable issue au regard de la lassitude que j’éprouvais face à la chose littéraire ”[24]. Tout au long de son parcours, Foucault ne cesse de réinterpréter son œuvre. Dans les nombreuses interviews qu’il accorde et qui doublent son œuvre, il essaie de repérer les thèmes qui ont constitué son souci théorique au fil de sa recherche. Chaque fois, son regard rétrospectif se place à la hauteur de la réflexion qui l’accompagne. Ce qui veut dire qu’il essaie de donner un sens toujours nouveau à son œuvre ou en à déplacer l’enjeu. Bien que, à suivre Foucault, il y ait le risque de perdre les traces des coupures, des ruptures, des sauts qui ont accompagné le développement de sa recherche, ses interviews montrent néanmoins le surgissement de certains concepts. Ainsi dit-il avoir cherché, dans les années 60, à retracer comment “ un certain nombre d’institutions, se mettant à fonctionner au nom de la raison et de la normalité, avaient exercé leur pouvoir sur des groupes d’individus, en relation avec des comportements, des façons d’être, d’agir ou de dire, constitués comme anomalie, folie, maladie, etc. Au fond, je n’avais rien fait d’autre qu’une histoire du pouvoir ”[25]. Et c’est dans cette même direction que se poursuiveront ses recherches pendant les années 70. Ajoutons que par la suite, Foucault considérera le fil qui parcourt sa recherche comme étant celui de l’analyse de la subjectivité : “ J’ai cherché plutôt à produire une histoire des différents modes de subjectivation de l’être humain dans notre culture ; j’ai traité, dans cette optique, des trois modes d’objectivation qui transforment les êtres humains en sujets ”[26].
Pour simplifier notre lecture, il me semble qu’on peut partager la production théorique foucauldienne pendant les années 70 en deux tronçons : l’un concernant la première partie de la décennie et s’achevant par la publication de Surveiller et punir, le second étant celui qui commence lors de la parution de la Volonté de savoir. La toute première partie des années 70 marque chez Foucault un intérêt accru pour les recherches historiques de Marx. Il s’interroge, à sa façon, sur la généalogie du capitalisme. Lorsqu’il aborde le problème du système pénal, il commence à s’intéresser de plus en plus aux mécanismes de contrôle engendrés par la société moderne. A travers un nouveau mouvement de pendule, il s’intéresse aux institutions et aux pratiques qui en quelque sorte se placent en-dessous du dicible. Foucault montre qu’à partir du début du XIXème siècle toute une série d’institutions ont fonctionné sur un même modèle, obéissant aux mêmes règles, à savoir un mécanisme de surveillance où les individus étaient fixés à un appareil punitif, correctif ou sanitaire. Les hôpitaux, les asiles, les orphelinats, les collèges, les maisons d’éducation, usines, etc. font partie d’une espèce de grande forme sociale du pouvoir qui a été mise en place au début du XIXème siècle, et qui a sans doute été l’une des conditions du fonctionnement de la société industrielle et capitaliste[27]. Foucault souligne que le capitalisme ne pouvait pas fonctionner avec un système de pouvoir politique indifférent aux individus. Il dit : “Il est venu un moment où il a fallu que chacun soit effectivement perçu par l’œil du pouvoir. Lorsqu’on a eu besoin, dans la division du travail, de gens capables de faire ceci, d’autres de faire cela, lorsque on a eu peur aussi que des mouvements populaires de résistance, ou d’inertie, ou de révolte viennent bouleverser tout cet ordre capitaliste en train de naître, alors il a fallu une surveillance précise et concrète sur tous les individus […] ”[28].
Si Marx décrit le décollage économique de l’Occident en se référant aux procédés qui ont permis l’accumulation du capital, Foucault insiste sur les méthodes de gestion de l’accumulation des hommes, qui ont permis un décollage politique par rapport à des formes de pouvoir traditionnelles. L’accumulation des hommes ne peut pas être séparée de l’accumulation du capital. Il n’aurait pas été possible de résoudre le problème de l’accumulation des hommes sans le développement d’un appareil de production capable à la fois de les entretenir et de les utiliser ; inversement, les techniques qui rendent utile la multiplicité cumulative des hommes accélèrent le mouvement d’accumulation du capital. A un niveau moins général, les mutations technologiques de l’appareil de production, la division du travail, et l’élaboration des procédés disciplinaires ont entretenu un ensemble de rapports très serrés. Chacune a rendu l’autre possible et nécessaire; chacune a servi de modèle à l’autre.
Foucault démontre que les disciplines sont des techniques pour assurer l’ordonnance des multiplicités humaines. Elles s’inscrivent dans la tâche de rendre l’exercice du pouvoir le moins coûteux possible et de faire en sorte que les effets de ce pouvoir social soient portés à leur maximum d’intensité et étendus aussi loin que possible, sans échec, ni lacune. Les disciplines ont pour but de faire croître à la fois la docilité et l’utilité de tous les éléments du système. Ce triple objectif des disciplines répond à une conjoncture historique bien connue : la grosse poussée démographique du XVIIIème siècle et la croissance de l’appareil de production. Au regard de la poussée démographique les disciplines se présentent comme un procédé d’antinomadisme. Elles consistent en un ensemble de minuscules inventions techniques qui ont permis de faire croître l’utilité des multiplicités en faisant décroître les inconvénients du pouvoir. Pour Foucault les disciplines réelles et corporelles ont constitué le sous-sol des libertés formelles et juridiques. Ainsi il peut affirmer que les “ Lumières ”, qui ont découvert les libertés, ont aussi inventé les disciplines. L’extension des méthodes disciplinaires s’inscrit dans un processus historique large : le développement, à peu près à la même époque, de bien d’autres technologies – agronomiques, industrielles, économiques. Parmi ces technologies, d’après Foucault, le panoptisme a été peu célébré. L’Histoire de l’Occident est marquée par l’invention de systèmes “ de domination d’une extrême rationalité. Il s’est écoulé beaucoup de temps pour en arriver là, et plus de temps encore pour découvrir ce qu’il y avait derrière. En relève tout un ensemble de finalités, de techniques, de méthodes : la discipline règne à l’école, à l’armée, à l’usine ”[29]. Foucault ajoute: “ Le pouvoir de la raison est un pouvoir sanglant ”[30].
Ces recherches foucauldiennes autour du pouvoir disciplinaire, de la société de contrôle, de la naissance de la société punitive tracent la généalogie des pouvoirs étatiques modernes. A travers le repérage d’une série de technologies de gouvernement des corps et des individus, elles montrent le surgissement de la forme moderne de subjectivité. Ces recherches croisent celles menées par Marx dans le Capital. Dans un cas comme dans l’autre, elles tracent la généalogie de la société capitaliste à partir de deux perspectives qui ne s’excluent pas l’une l’autre, mais s’intègrent tout en décrivant le processus d’accumulation des forces productives et des forces du pouvoir politique. Foucault affirme qu’il a fallu attendre le XIXème siècle pour savoir ce qu’était que l’exploitation, mais qu’on hésitait encore au sujet du pouvoir. Il souligne qu’on sait à peu près qui exploite, où va le profit, entre les mains de qui il passe et où il se réinvestit, tandis qu’on ignore encore ce que c’est que le pouvoir. Il affirme : “ Et Marx et Freud ne sont peut-être pas suffisants pour nous aider à connaître cette chose si énigmatique, à la fois visible et invisible, présente et cachée, investie partout, qu’on appelle le pouvoir ”[31]. D’autant plus que pour lui les mouvements sociaux qui ont bouleversé la société occidentale à partir de la fin des années 60 ont surtout posé un problème de lutte de pouvoir.
Bien que ces recherches, à savoir celles de Marx et de Foucault, puissent être utilisées pour reconstruire la généalogie de la société moderne, capitaliste et occidentale, elles ne sont pas tout à fait superposables. Je crois que la lecture foucaldienne de Marx présente des points d’intérêt, mais aussi des manques. Pour lire Marx, Foucault nous propose des lunettes qui accentuent certains aspects de son œuvre, notamment ceux qui tournent autour des rapports de force, des luttes entre les classes, de la violence qui traversent la société. Selon Foucault, Marx a analysé le fonctionnement réel du pouvoir : “ Il me semble que nous pouvons trouver, dans un certain nombre de textes, les éléments fondamentaux pour une analyse de ce type. […] Nous pouvons évidemment les trouver aussi chez Marx, essentiellement dans le livre II du Capital. […] Ce que nous pouvons trouver dans le livre II du Capital c’est, en premier lieu, qu’il n’existe pas un pouvoir, mais plusieurs pouvoirs ”[32]. Le Marx de Foucault décrit le surgissement d’un champ social à travers des règles de pure immanence. Tous les éléments qui produisent un champ social s’y produisent eux-mêmes en le produisant. Un certain ordre social n’est pas préalable et ne s’applique pas aux individus de l’extérieur. Les rapports de force, la guerre entre les classes, différentes technologies de production ou de pouvoir produisent un champ social qui ne s’installe pas une fois pour toutes. Il n’y a pas dans cette analyse de traces de téléologie. Tout se développe au-delà du bien et du mal, sans qu’il y ait quelqu’un derrière le rideau qui régisse, en dernière instance, ce jeu.
Foucault se livre à l’écoute du grondement de la bataille qui traverse la société. Il s’intéresse à saisir les différentes formes de gouvernement, toujours modifiables, qui surgissent sur ce terrain. Mais contrairement à Marx, il n’essaie pas d’appréhender la différence de perspectives, de valeurs, de modes d’existence, de désirs dont chaque sujet en lutte est porteur. Il ne consacre pas non plus sa recherche à l’analyse des formes possibles, bien que inachevées, auxquelles chaque combat pourrait donner lieu. Dans l’histoire, il ne cherche ni le sens caché ni le possible, mais les formes positives qui s’instaurent à chaque époque. Tout un terrain, bien présent chez Marx, concernant les formes diverses et changeantes de l’exploitation sociale devait lui échapper, même s’il essayait par ailleurs de l’englober et de l’étendre à travers l’analyse des formes microphysiques de pouvoir qui traversent le champ social.
IV. De technologies de gouvernement aux technologies de soi
Pendant les années 70 le travail théorique et politique de Foucault est bouleversé par la question du changement social et de la révolution des formes d’existence. Il essaie de donner une réponse aux questions que son époque lui pose. C’est pourquoi, à partir de la deuxième moitié des années 70 il entame une nouvelle critique à l’égard du marxisme et des possibles lectures qui proviennent de l’œuvre de Marx. La volonté de savoir est un texte emblématique de ce point de vue, car il représente le début du développement d’une nouvelle critique menée à l’égard du marxisme. Il est important de souligner que Foucault découvre une racine épistémologique commune entre le marxisme et le freudisme, et c’est sur ce couple qu’il va exercer sa critique par la suite. Balibar a écrit que Foucault veut, par le biais de cette critique, questionner radicalement l’évidence et l’efficacité d’un certain gauchisme ou utopisme révolutionnaire [33].
Lorsque Foucault travaille autour des concepts de “domination”, “de direction”, “de gouvernement”, tout en essayant de définir une théorie des appareils d’Etat, son but théorique vise à critiquer l’idée de société répressive (nommée, à plusieurs reprises, hypothèse Reich). Depuis longtemps, son travail avait eu pour but de débarrasser le champ de l’épistémologie de toute opposition entre vrai et faux, réalité et illusion, scientifique et non scientifique, rationnel et irrationnel. Il a tenté d’écarter le risque de voir dans les concepts de domination, d’idéologie dominante, d’assujettissement, une opposition entre illusion et réalité. Pour lui, il ne s’agissait pas de dire que ces notions n’avaient guère de sens ou de valeur, mais il fallait poser le problème en terme de pratiques constituant des domaines, des objets et des concepts à l’intérieur desquels les oppositions de scientifique et de non scientifique, de vrai et de faux, de réalité et d’illusion pouvaient prendre leurs effets[34]. Cela avait été le cas dans sa tentative de lecture de Marx. Dans le freudo-marxisme, il décèle à nouveau un risque. Ainsi que Balibar l’a écrit : “ le freudo-marxisme est bien unrenversement de valeurs énoncées par de puissants appareils institutionnels, il inspire des contestations dans ces appareils, des luttes dont Foucault reconnaît l’importance, mais dont il lui importe essentiellement de se demander jusqu’à quel point elles rompent véritablement avec la formation discursive qu’elles dénoncent ”[35]. Sa critique de l’hypothèse répressive, qui inclut toutes les variantes du freudo-marxisme chez Reich comme chez Adorno ou Marcuse se développe en même temps qu’il retrace la généalogie de la raison d’Etat au XVIIème siècle, à travers le recours au concept et à la notion de gouvernement. La notion de gouvernement lui paraît être plus opératoire même par rapport à celle de pouvoir car elle permet de repérer les procédures qui ont permis de conduire les hommes, de les diriger, sans qu’il soit nécessaire de postuler une théorie ou une représentation de l’Etat.
Ces analyses concernant la gouvernementalité, l’art de gouverner les hommes, le généalogie de la raison d’Etat ne furent pas poursuivies jusqu’au bout par Foucault[36]. Sa réflexion autour du freudisme ainsi que les événements qui marquèrent la fin des années 70 l’amenèrent à considérer de plus près le problème des technologies de soi, à savoir l’ensemble des pratiques subjectives qui dressent les sujets.
Foucault dut croire que tracer une généalogie des formes de subjectivité pouvait contrebalancer l’insistance avec laquelle il avait traité le problème des relations objectives de pouvoir. Les changements, fin des années ‘70, dans la sensibilité esthétique et politique, contribuèrent sûrement à consolider son idée selon laquelle “ nous devons nous référer à des processus bien plus reculés si nous voulons comprendre comment nous nous sommes laissé prendre au piège de notre propre histoire”[37].
[1] . Cf. M. Foucault, Par-delà le bien et le mal, dans Dits et écrits. 1954-1988 (Éd. établie sous la direction de D. Defert et F. Ewald), Gallimard, Paris 1994 (par la suite cité sous le sigle DE, suivi de l’indication du volume), ibidem, vol. II, pp. 233-234.
[2]. Cf. M. Foucault, Méthodologie pour la connaissance du monde : comment se débarrasser du marxisme, dans DE, vol. III, p. 611.
[3]. Cf. F. Nietzsche, Unzeitgemässe Betrachtungen, Zweites Stück. Vom Nutzen und Nachtheil der Historie für das Leben, in Werke (Hrsg. von G. Colli u. M. Montinari), Abt. III, Bd. 1, de Gruyter, Berlin, New York, 1972 (tr. fr. Considérations inactuelles, II. De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie, Gallimard, Paris, 1990).
[4]. Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, Tübingen, Niemeyer, 1927, § 76 (tr. fr. Être et temps, Gallimard, Paris, 1986).
[5] . Cf. M. Heidegger, Zur Sache des Denkens, Niemeyer Verlag, Tübingen, 1988 (tr. fr. M. Heidegger, Questions IV, Gallimard, Paris, 1966).
[6] Cf. M. Heidegger, Brief über den Humanismus, in Wegmarken, Suhrkamp, Frankfurt a. M., GA, Abt. I, Bd. 9. (tr. fr. Lettre sur l’humanisme. Lettre à Jean Beaufret; in Questions III, Gallimard, Paris, 1966 p. 106).
[7] Cf. M. Heidegger, Zur Sache des Denkens, cit. Cf. Reiner Schürmann, Le Principe d’anarchie. Heidegger et la question de l’agir, éd. du Seuil, Paris, 1982, où se trouve une analyse approfondie de ces parcours heideggeriens qui précèdent et suivent la Kehre.
[8] . Cf. Louis Althusser, Marxisme et Humanisme, dans Pour Marx, Paris, La Découverte, 19962, p. 236.
[9] .Cf. K. Marx, Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie, Dietz Verlag, Berlin, 1963 (tr. fr. Manuscrits de 1857-1858 “Grundrisse”, Editions sociales, Paris, 1980, tomes 1 et 2, ibidem tome 1, pp. 92-93).
[10] . Cf. M. Foucault, Le retour de la morale, dans DE, vol. IV, où l’Auteur affirme : “ Tout mon devenir philosophique a été déterminé par ma lecture de Heidegger. Mais je reconnais que c’est Nietzsche qui l’a emporté ”, ibidem, p. 703. Cf. également, M. Foucault,Structuralisme et poststructuralisme, dans DE, IV, ibidem. pp. 431-438; M. Foucault,Entretien avec Michel Foucault, dans DE, vol. IV, pp. 41-62 et M. Foucault, Entretien avec Madeleine Chapsal, dans DE, vol. I, pp. 513-18 où l’Auteur affirme : “ notre tâche est de nous affranchir définitivement de l’humanisme” (ibidem, p. 514). Je ne prétends pas marquer une filiation directe entre ces courants de pensée et la réflexion foucaldienne. D’ailleurs, il faudrait insister beaucoup plus que je ne le puis faire ici sur la distinction entre le recours à Nietzsche pendant les années soixante, lorsqu’il s’agissait de sortir de la phénoménologie dominant l’époque, et celui des années soixante-dix, lorsque Nietzsche joua un rôle fondamental dans la confrontation avec certains courants du marxisme. Cf. K. Ansell – Pearson, The significance of Michel Foucault’s Reading of Nietzsche: Power, the Subject, and political Theory, dans “Nietzsche–Studien”, 20, 1991. Au sujet du rapport entre Foucault et Heidegger, cf. Hubert, L. Dreyfus, Die Gefahren der modernen Technologie: Heidegger und Foucault, pp. 107–120, dans Axel Honneth, (Hrsg.),Pathologien des Sozialen. Die Aufgaben der Sozialphilosophie, Fischer, Frankfurt a M. 1994.
[11]. Pour éviter de croire que les liens entre ces thèmes se produisent de façon linéaire dans l’œuvre de Foucaut, je voudrais ici renvoyer à l’article de Pierre Macherey, Aux sources de l’Histoire de la folie : une rectification et ses limites, dans “Critique”, 471-472, 1986, pp. 753-774. L’Auteur analyse de plus près ces débuts foucauldiens. Macherey appuie son interprétation sur la rectification qui intervient entre 1954 et 1962, lorsque Foucault s’apprête à rééditer son ouvrage Maladie mentale et personnalité sous le nouveau titreMaladie mentale et psychologie. Macherey montre comment la référence à Nietzsche et à Heidegger présente dans Maladie mentale et psychologie prend la place de celle du jeune Marx présente dans Maladie mentale et personnalité. L’Auteur ajoute que : “ en déplaçant l’idée d’une vérité psychologique de la maladie mentale vers celle d’une vérité ontologique de la folie, [cette rectification] laisse intact le présupposé d’une nature de l’homme, même si celle-ci relève d’une évocation poétique plutôt que d’un savoir positif ” (ibidem, p. 770).
[12] . Cf. P. Macherey, Foucault/Roussel/Foucault, dans M. Foucault, Raymond Roussel,Gallimard, Paris, 1992, pp. III-VI.
[13] . Ibidem, pp. III-IV.
[14] . Cf. M. Foucault, Introduction, dans DE, vol. I, p. 66.
[15] Cf. M. Foucault, Introduction à l’Anthropologie de Kant, (Texte inédit). Thèse complémentaire pour le Doctorat ès lettres (Dir. M. Jean Hyppolite), Paris, 1961, Bibliothèque de la Sorbonne, pp. 127-128.
[16]. Cf. M. Blanchot, Michel Foucault tel que je l’imagine, Fata morgana, Montpellier, 1986, p. 15.
[17] . Cf. M. Foucault, Les mots et les choses, Une archéologie des sciences humaines, Gallimard, Paris, 1966, p. 275. Une référence importante dans ce contexte de lectures nietzschéennes reste sans doute l’ouvrage de Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie,PUF, Paris 1962 car il contribue à se dégager de toute pensée dialectique.
[18] Cf. M. Foucault, L’homme est-il mort ?, dans DE, vol. I, p. 542.
[19] Cf. M. Foucault, Les mots et les choses, cit., p. 273.
[20]. Cf. M. Foucault, Qu’est-ce que un auteur ? dans DE, vol. I, pp. 789-820. A ce sujet il faudrait analyser l’influence que les œuvres de Georges Bataille et Maurice Blanchot ont exercées sur Foucault. Cf. F. Warin, Nietzsche et Bataille. La parodie à l’infini, PUF, Paris 1994 et C. Prély, La force du dehors. Extériorité, limite et non-pouvoir à partir de M. Blanchot, Recherches, Paris 1977.
[21]. Cf. M. Foucault, L’archéologie du savoir, Gallimard, Paris, 1969, pp. 21-22. Voir également M. Foucault, Sur l’archéologie des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologiedans DE, vol. I, pp. 699-700.
[22]. Cf. M. Foucault, L’archéologie du savoir, cit., ibidem, p. 22.
[23]. Ibidem, p. 24.
[24]. Cf. M. Foucault, Je perçois l’intolérable, dans DE, vol. II, p. 203.
[25]. Cf. M. Foucault, Entretiens avec Michel Foucault, dans DE, vol. IV, p. 82.
[26]. Cf. M. Foucault, Le sujet et le pouvoir, dans DE, vol. IV, p. 223.
[27]. Cf. M. Foucault, Prisons et révoltes dans les prisons, dans DE, vol. II, p. 431.
[28]. M. Foucault, Le pouvoir, une bête magnifique, dans DE, vol. III, p. 374. (cf. également M. Foucault, L’impossible prison, dans DE, vol. IV, pp. 20-34 et M. Foucault, Les intellectuels et le pouvoir, dans DE, vol. II, p. 306 – 315).
[29] . M. Foucault, La torture, c’est la raison, dans DE. vol. III. p. 395.
[30] . Ibidem. Il est clair qu’une analyse approfondie de tous ces thèmes se trouve dans l’un des plus importants ouvrages écrits par Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Gallimard, Paris 1975.
[31]. Cf. M. Foucault, Les intellectuels et le pouvoir, dans DE, vol. II, p. 312.
[32]. Cf. M. Foucault, Les mailles du pouvoir, dans DE, vol. IV, p. 186.
[33]. Cf. Etienne Balibar, Foucault et Marx. L’enjeu du nominalisme, dans La crainte des masses, Galilée, Paris, 1997, pp. 281-319.
[34]. Cf. M. Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France du 09. 01. 1980, dans Fonds-Foucault, Bibliothèque de l’Imec, Paris, document audio C 62 (01) b 2127/1995.
[35]. Cf. Etienne Balibar, Foucault et Marx. cit., ibidem, p. 284.
[36]. Cf. M . Foucault, Sécurité, territoire et population. Cours au Collège de France de 1978 et id, Naissance de la biopolitique, Cours au Collège de France de 1979, dans Fonds-Foucault, Bibliothèque de l’Imec, documents audios, pour les analyses concernant les technologies objectives de pouvoir et la suite des cours au Collège de France de 1980 jusqu’à 1984 pour ce qui concerne l’analyse des technologies de soi.
[37] . Cf. M. Foucault, Omnes et singulatim. Vers une critique de la raison politique, dans DE, vol. IV, ibidem, p. 136.